Quatre jours après le Vignemale, nous voici en route pour un autre sommet pyrénéen et non des moindres puisqu’il s'agit de l'Aneto qui avec ses 3404m d'altitude est le point le plus haut du massif.
André me propose de faire l'ascension par l'arête sud, petite arête d'escalade facile (PD+) gravie pour la première fois le 8 aout 1928 par Charles Elie Fazeuilles, puis la descente par le début de la voie normale et le vallon de Coronas.
4h00, 1370m: Nous voici donc en Espagne. Nous avons planté la tente sur l'aire de camping de Senarta et nous prenons notre petit déjeuner silencieusement à la lumière des frontales. La navette qui doit nous monter au Puente de Coronas passe à 5h15 mais, si nous voulons avoir une place, il faut y être en avance.
4h40: Le sac sur le dos, nous sommes les premiers à attendre le minibus! Nous sommes rapidement rejoints par divers amateurs habillés eux aussi de polaires et gros godillots. Le ciel est féérique, une explosion d'étoiles magnifiée par Venus et Jupiter qui émergent au dessus des crêtes à l'est.
5h15: Nous voici assis à l'avant de la navette. La montée par la piste cahotante du vallon du Vallibierna se passe sans histoire. Seul un lièvre qui court dans les phares sur plusieurs centaines de mètres agrémentera le parcours.
6h00, 1950m: C'est le grand départ. Nous remontons un bout de piste dans la nuit en suivant le faible éclairage de nos lampes.
6h05: Nous quittons le Barranco de Coronas pour longer le Vallibierna. Deux espagnols nous suivent à une dizaine de mètres.
6h25: Le jour est suffisant pour éteindre les frontales. Nous attaquons la grimpette pour rejoindre le lac de Llosas.
| Un des espagnols nous rejoint et demande quelque chose dans sa langue maternelle, mais j'ignore s'il s'adresse à moi ou à son collègue qui me suit, tout ce que je comprend est le mot "Aneto".
Il est fort possible qu'en nous suivant ils se soient trompés d'itinéraire, la voie "classique" remontant le vallon de Coronas et non celui de Llosas.
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7h06, 2480m: Nous voici au Lac de Llosas. On boit un coup, on mange quatre graines et on fait quelques photos.
7h26: Nous voilà repartis. A peine avons nous passé les barres rocheuses qui surplombent le lac que le soleil commence à éclairer le sommet du Vallibierna, c'est superbe.
Nous remontons le pierrier en direction de la Brèche de Llosas, puis piquons vers l’arête sud de l'Aneto.
8h20,3000m: Plus que 400m de dénivelé! Encore quelques mètres avant les choses sérieuses
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L'Aneto et sur la droite son arête sud |
8h37,3144m: Ça y est nous y sommes!
André attaque la première longueur. Je le regarde s'élever doucement tout en laissant filer la corde entre mes doigts. Un vent frais souffle, je n'ai vraiment pas chaud. Ça et un peu d’appréhension me font claquer des dents.
_Encore 5m de corde!
D'en haut la voix d'André me répond:
_Ok!
Puis après quelques instants:
_C'est bon, tu peux y aller
_C'est parti!
C'est mon tour, un petit pas aérien sur le flan ensoleillé de l'arête, le contact de mes mains avec un adhérent et solide granit et voilà toutes craintes envolées. La douce chaleur du feu de l'action me réchauffe!
Arrivé au relais mon compagnon me fait remarquer la superbe dalle concave qu'a laissé un ancien glacier entre l’Épaule de l'Aneto et la Brèche des Tempêtes.
Dans cette première partie de l'arête nous nous élevons par palier, nous grimpons 4 à 5 mètres avant de rencontrer une petite traversée horizontale. Vers 3200m les choses se redressent et la pente se fait plus régulière.
André et moi prenons la tête de la cordée chacun à notre tour, cela me permet d'être régulièrement le premier au relais. Je profite alors de l'occasion pour admirer le paysage et cette belle arête qui se déroule à mes pieds, tout en surveillant la progression de mon compagnon.
10h03, 3376m: Nous venons de rejoindre l'arête sud-ouest. Le sommet est juste là, à portée de main. Il nous faut d'abord descendre d'une dizaine de mètres vers un petit collet avant de remonter environ cinquante mètres d’éboulis raide.
10h23, 3404m: Nous y sommes. Drapeaux à prière, drapeaux catalan, et casquettes flottant au vent suspendu à la grande croix sommitale. Je fais le tour du magnifique panorama qui s'offre à mes yeux avant de m'installer auprès d'André à l’abri du vent pour un petit casse-croûte bien mérité.
10h55: Nous quittons le point culminant par
le passage délicat du "Pont de Mahomet" tel que l'a nommé le comte Henry Russel, un des principaux pionniers du massif de la Maladeta.
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La vue plongeante sur le flan nord du Pont de Mahomet |
10h58: Le fameux pas franchi, nous nous décordons et descendons vers le glacier par le sentier de la voie normale. Nous y chaussons les crampons pour quelques mètres de glace bien vive et rejoignons rapidement le col de Coronas.
11h40, 3207m. Nous croisons une dernière cordée espagnole au col. Nous les laissons gravir les derniers mètres, le passage est assez raide et le rocher pourri.
Désormais la descente est à nous!
Après quelques S nous piquons à travers un immense pierrier ponctué d'un tout petit névé, seul petit reste malheureux du glacier de Coronas. La descente est rapide et superbe au milieu de grande dalles de granit rose.
12h15: Nous voilà sur les rives des lacs de Coronas. Nous le contournons rapidement par l'est avant de d'enfiler le petit talweg d'un déversoir secondaire qui nous offre une magnifique vue plongeante sur le lac inférieur.
12h30, 2630m: Nous arrivons sur les bords du lac inférieur. Eau bleu lagon à la pureté transparente et aux reflets argentés. Nous nous arrêtons et asseyons face à la vallée histoire de boire et manger un peu en contemplant le paysage.
Nous nous restaurons en observant les magnifiques pentes marneuses de la Sierra Negra, qui porte bien son nom, et nous nous imaginons les descendre à skis. Nous échangeons nos analyses des différents itinéraires possibles et identifions les plus surs. Peut-être qu'un jour...
Ces quelques minutes de repos nous font du bien, mais il va falloir poursuivre notre descente!
Celle-ci est raide et assez cassante, cependant la trace est bien marquée et de nombreux cairns la jalonnent.
13h12, 2250m: Nous voici au dessus de l'Ibonet de Coronas. Ce laquet est peu à peu entrain de disparaitre, mais sa partie en eau nous offre toutefois de beaux reflets verts.
André part devant au grand trot, je me contente du petit. Une traversée raide, un petit pierrier, et hop me voilà dans une magnifique pinède sur un excellent sentier qui serpente le long du torrent.
En moins de temps qu'il ne m'en faut pour l'écrire me voilà sur la bonne piste empruntée ce matin.
13h40, 1950m: Le pont de Coronas est franchi. La piste qui nous ramènera à Senarta est là.
Il ne reste qu'a attendre le bus. Le prochain est à 16h ça nous laisse le temps de prendre un bon bain de pied et de faire quelques photos des pierres rouille du ferrugineux torrent de Vallibierna.
16h00: Pour finir, juste un petit mot sur la descente en bus. Si ce matin de nuit, je n'ai rien remarqué en cette fin d'après midi je suis assis derrière le chauffeur, et la chose est pour le moins spectaculaire. Cette piste étroite, est en effet taillée dans un flanc de montagne des plus raide, et placé où je suis, j'ai sur une bonne longueur, l'impression d'être assis au dessus du vide...
"
Bon... le chauffeur sait ce qu'il fait, faisons lui confiance! "
Bien m'en à pris à 17h, il nous dépose sain et saufs mais avec des images plein la tête au petit camping de Senarta.